9 mars 2025
1er Dimanche de Carême ‘C’
Deutéronome 26,4-10
Psaume 90
Romains 10,8-13
Luc 4,1-13
Duel de rhétorique
Dans le grec classique, le mot Diable (diaboloV) est traduit par ‘Celui qui désuni’ ou ‘Celui qui inspire la haine’ et c’est justement en coupant la Parole du Seigneur de son contexte qu’il va œuvrer pour détourner l’être humain de la voie que l’amour de Dieu lui montre.
C’est dans cet esprit qu’il vient attaquer Jésus qui perçoit la sensation humaine de la faim après son jeûne au désert ; à la faveur de cette manifestation sensible de la fragilité de son humanité, le Diable essaie de le faire douter de sa divinité : « Si tu es le Fils de Dieu ! Ordonne à cette pierre de devenir du pain. » (v.3) Mais Jésus lui répond que pour être homme, il y a d’autres besoins vitaux que le pain : « L’homme ne vit pas seulement de pain, mais de tout ce qui vient de la bouche du Seigneur. » (Deutéronome 8,3)
Le Diable attaque ensuite Jésus sur une autre caractéristique humaine, le désir de possession, de puissance et de domination. Le prix à payer est de se détourner de Dieu pour adorer des idoles. Jésus lui répond avec le premier commandement « Tu aimeras le Seigneur ton Dieu de tout ton cœur, de toute ton âme et de toute ta force. » (Deutéronome 6,4) en le développant : « C’est devant le Seigneur ton Dieu que tu te prosterneras, à lui seul tu rendras un culte. » (v.8)
Pour la troisième tentation le Diable propose que Jésus montre publiquement que le salut et le pardon des péchés sont là. Pourquoi attendre de vivre la Passion alors qu’il peut être reconnu par tous grâce à cette manifestation. Mais Jésus veut accomplir pleinement la mission que le Père lui a confiée : « Aux autres villes aussi, il faut que j’annonce la Bonne Nouvelle du règne de Dieu, car c’est pour cela que j’ai été envoyé. » (Luc 4,43) La réplique de Jésus clôt cette joute oratoire autour de la Parole de Dieu, par ses réponses il a montré qu’il est aussi l’auteur des paroles que le Diable essaie de déformer à son avantage. L’arrêt de la rencontre sonne pour le démon comme une menace : « Tu ne mettras pas à l’épreuve le Seigneur ton Dieu. » (v.12) Comprenant que cela s’adresse directement à lui, le Diable se retire.
Le ‘Tentateur’ pensait pouvoir reprendre la ruse qui avait si bien marché lorsqu’il abusait l’humanité dans le jardin d’Eden : la déformation de la parole de Dieu, le désir de liberté et la volonté de devenir comme Dieu. Il pensait ainsi que la faiblesse de Dieu-le-Fils résidait dans le fait qu’il se soit incarné dans un corps né d’une femme et qu’il était pleinement homme. C’est donc là qu’il porte ses attaques et puisque ces tromperies avaient si bien marché avec le premier couple, il reprend les mêmes méthodes : mensonges et astuces. Il se heurte au Christ, à la fois Dieu et homme. Les moyens que le Christ utilise pour repousser les tentations que le Diable lui soumet sont des moyens accessibles à tout être humain qui fait confiance à Dieu.
Aujourd’hui les tentations existent toujours, le Diable ne reconnaitra jamais sa défaite, il cherche le défaut de la cuirasse en toute personne : « Votre adversaire, le diable, comme un lion rugissant, rôde, cherchant qui dévorer. » (1Pierre 5,8) Baptisés, configurés au Christ, les chrétiens ont en eux les mêmes possibilités de résistance que lui, en particulier grâce à la connaissance de la Parole qui nous a été transmise par les générations précédentes. Par la méditation de la Bible, seul et en groupe, en l’enseignant ou en étant enseigné, le croyant engrange les armes qui font fuir le démon et ses œuvres.
Père JeanPaul Bouvier
Prêtre retraité – curé émérite